Rôle et Image de la
Femme Musicologue confirmé, membre de l'Académie de la Musique Arabe, ayant déjà écrit plusieurs livres fondés sur des recherches dans le domaine musical, le professeur Abdelaziz Benabdeljalil a donné, dernièrement à Dar M'rini à Rabat, une conférence intitulée: "Image de la Femme dans la Musique Andalouse". Celle-ci fut merveilleusement illustrée par l'Orchestre de l'Association de la Renaissance de la Musique Andalouse de Meknès dirigée par le professeur Mohamed Taoufiq Himmich. Un exposé historique très instructif au cours duquel le conférencier Abdelaziz Benabdeljalil a mis en évidence la participation de la femme musulmane dans la création de ce qu'on appellera "La Musique andalouse" depuis l'avènement des Omayyades à Cordoue au VIIIème siècle jusqu'à la fin du XVe, date de la chute de Grenade, dernier bastion de l'Islam dans la péninsule Ibérique. En effet, tout chercheur qui se penche sur le patrimoine musical andalou, qui fut nommé "Al-à la" jusqu'à la troisième décennie du XXe siècle, constatera la présence permanente de la femme dans les poèmes rassemblés vers la fin du XVIIIe siècle par Mohamed Ben Al Houcein Al Haik. C'est pour cette raison que notre musicologue ne s'est pas contenté, uniquement, de relater les poèmes amoureux (Nasib) dans le but de reproduire l'image de la femme dans la musique andalouse, mais il a tenté de mettre en valeur le rôle de celle-ci dans la création de ce genre musical en parallèle avec l'évolution de sa forme, de sa structure et de sa rénovation métrique, surtout que la femme arabe en Andalousie a eu le privilège de participer efficacement à la propagation de cette musique au-delà de la péninsule Ibérique. Cependant, M.A.Benabdeljalil n'a pas omis de noter, dans sa communication, le manque d'ouvrages propres à l'action artistique féminine en Andalousie et à l'indifférence presque totale des dictionnaires bibliographiques consacrés à la femme, sauf dans quelques cas où il s'agit d'auteurs de livres ou de femmes connues à travers leur supériorité dans les séances jurisprudentielles (fiqh) ou linguistiques. Mais, malgré cette injustice qui porte préjudice à la femme arabe en Andalousie, d'autres ouvrages de nature littéraire ou à caractère d'information ont joué un rôle important pour dénombrer les femmes ayant acquis un niveau élevé dans le domaine de la poésie, du chant et de la composition musicale.
Des Poèmes et des Chants d'Amour Pour appuyer cette réalité, le conférencier s'est référé à un grand savant du VIIIe siècle, à savoir Tifachi Sfaqsi qui précise que "la pratique de la musique à cette époque était l'apanage de la seule ville de Séville, où des vieilles femmes enseignaient le chant à leurs esclaves, puis les vendaient aux Rois du Maroc et de la Tunisie au prix de mille dinars marocains pour leur savoir-faire plutôt que pour leur beauté", ajoutant que "l'acheteur consulte le curriculum vitae de la chanteuse mise en vente, l'interroge selon son choix et lui demande de jouer l'instrument mentionné dans son carnet. Des fois, la même chanteuse joue avec habileté plusieurs instruments et exerce la danse tout en se faisant accompagnée par ses collègues qui tambourinent et jouent de la flûte. Ce qui élève son prix à des milliers de dinars." Pour sa part, Mohamed Ibnou Hazm (mort en 454/1063) cite dans son livre "Taouq al hamama Al Mafkoud" (le Collier Perdu de la Colombe) le cas d'une chanteuse esclave d'origine orientale qui a pu émerveiller le cadi de Cordoue après que celui-ci l'avait entendue réciter le Coran, puis répéter des chants d'amour. Quant à la participation féminine dans l'élaboration de la théorie de la musique andalouse, Abdelaziz Benabdeljalil s'est contenté de faire allusion à certains théoriciens qui ont attribué à deux chanteuses esclaves la découverte - ou plutôt l'utilisation pour la première fois- de deux "tabaâ" ou autrement dit, deux modes, sachant que la musique andalouse au Maroc est fondée sur 24 modes et non seulement le majeur et le mineur, comme c'est le cas dans la musique européenne. Les deux chanteuses en question sont "Ghariba" (l'étrangère) et sa sœur. La première, qui était à la fois chanteuse et poète, finit par devenir l'esclave du Prince musicien Al Houceine d'où le nom qu'on lui avait attribué: "Gharibat Al Houceine". Celle-ci fut l'auteur d'un nouveau mode qu'elle présentait à son Seigneur le jour de l'Aïd pour lui faire plaisir. La seconde qui n'est autre que sa sœur ne tardait pas, elle aussi, à satisfaire son maître, Al Houceine, en lui chantant, lors d'un cercle littéraire, un nouveau mode musical. Une prestation qui lui a rendu sa liberté et elle fut appelée dès ce jour, elle et son mode, "Al Ghariba L'Moharrara" (l'étrangère libérée). Par ailleurs, le chercheur A. Benabdeljalil nous fait aussi savoir, au cours de son exposé, que la femme était toute proche de Ziryab au moment de son installation à Cordoue où il fonda une école destinée à l'enseignement des règles du chant. Parmi ses disciples figuraient, en premier plan, ses enfants et des jeunes femmes venant de différents coins de l'Andalousie. D'autre part, l'Andalousie a connu un grand essor concernant les multiples femmes musiciennes et poètes en Andalousie, dont des artistes d'origine orientale telle Al Ajfaee, Fadl et Kamar, puis celles d'origine andalouse comme Kalam, Jijane, Tarab, Hofna Al Amiriya, Hind et Sarah Al Halabiya. Outre les chanteuses esclaves que nous venons de citer, l'Andalousie a aussi connu des femmes de la grande société qui pratiquaient le chant et la poésie avec beaucoup d'adresse dont Ouallada Fiffe du Calife Al Mustakfi.
Concernant la deuxième partie de son intervention, celle-ci a visé à
exposer, à partir des poèmes insérés dans le recueil d'El
Haik, l'image de la femme, son aspect et son comportement en tant
que sujet d'amour dans les poèmes cités et dont chaque partie fut
illustrée par l'Orchestre de l'Association de la
Renaissance de la Musique Andalouse. |
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Proposition, conception et édition: OMARI Ahmed |