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MEKNES: Capitale du Maghreb
MEKNES: L'ancienne ville (la Médina), dite «Versailles du Maroc», est la
capitale
du Maghreb
au XVIIème siècle.
MEKNES: La ville nouvelle: Hamria, dite "le petit Paris".
Ces
deux sites sont complémentaires - tradition et modernité -
et forment une des
plus belles cités du Maroc
Les vergers, les immenses jardins
d'oliviers, les cris stridents de cigales qui longent le parcours vers
la montagne de Zerhoune, entre vallées verdoyantes et sites escarpés,
une vie en ondulations sous le ciel bleuté, cette interminable prise sur
le temps aussi qui submerge comme une lumière les consciences, les
inonde comme une sérénité…Michel Jobert, fils de ce terroir en creux, y
avait mieux que nous décelé dans son livre « La Rivière des grenadiers »
l'incandescence et la luxuriance de ce paysage qui, pour être
apparemment immobile, ne s'est jamais senti aussi mieux libéré.
Deux villes complémentaires se regardent comme des chiens de faïence,
délimitées , nivelées à la même hauteur mais pas séparées par une pente
que les Meknassis appellent «Cabo blanc». L'ancienne ville qui compte le
plus gros du patrimoine historique et la ville moderne, cette éternelle
«Hamria» qualifiée autrefois dans ses splendeurs coloniales du «Petit
Paris». Leur seule frontière, indicible en vérité, c'est un cours d'eau
, un lien de vie : oued Boufekrane qui vient des hauteurs résiduelles du
Moyen Atlas qui est toujours à la ville ce que un hinterland est à une
façade maritime. Une sorte d'arrière pays, de contrefort dont la faune
reste jusqu'à nouvel ordre relativement préservée. A la fin du VIIIème
siècle du calendrier grégorien , alors que l'islam en était encore à ses
premières conquêtes, Meknès n'était qu'une petite bourgade rurale,
terrain de prédilection riche en eau, dotée d'une nature qui a
probablement convaincu la tribu des tout premiers habitants berbères,
les Meknassa, à s'y installer, fondant ainsi la première fortification
et jetant les premières bases de la future ville.
Aussitôt, au fil des siècles qui suivirent, l'intérêt ne fut que
grandissant pour d'autres conquérants. Les Almoravides (al-Mourabitine)
installent quasiment sur le même endroit leur ville fortifiée au courant
du XIème siècle, cédant le pas ensuite aux Almohades (Al Mouahiddine)
qui la conquièrent à leur tour et, excédés par sa résistance, finirent
par la détruire avant d'en reconstruire une autre , plus vaste et mieux
protégée. Le premier noyau urbain est là, conforté par des campements
militaires et des fortifications. Quand les Mérinides instaurent leur
dynastie au XIVème , ils y construisent médersas, mosquées , casbahs et
redonnent à la ville un autre rayonnement et un tissu urbain constitutif
qui ne sera que renforcé sous les Wattassides (al-Wattasiyine) qui en
feront à leur tour une cité prospère et déjà une quasi capitale.
Quatre dynasties se sont succédé et la petite bourgade en cinq siècles
s'est forgée avec entêtement – c'est de nos jours encor marque de la
ville – son destin et son statut. Ville impériale ? Qui peut-il l'être
plus que Meknès ? Quelle autre ville peut-elle prétendre à un si long
cours du temps, mêlé d'innovations et d'enracinement de culture et de
civilisation, pétri de créativité ? Le poids de l'histoire, l'exigence
de la modernité ne se sont jamais séparés. S'il est un homme qui a
compris une telle dimension, mesuré aussi sa valeur c'est le sultan
Moulay Ismaïl en son temps qui installa en 1672 sa capitale dans cette
ville à laquelle, des décennies durant , il conféra lustre et grandeur.
Plus de quarante kilomètres de remparts, construisit plusieurs portes,
des systèmes de conduite et d'approvisionnement en eau, des palais, des
haras, etc…Le deuxième Roi de la dynastie alaouite n'avait pas seulement
délaissé Marrakech pour Meknès, il manifestait son irascible volonté de
faire de celle-ci une capitale de lumière et de soleil, la cité antique
avec ses places et ses agoras, ses portes majestueuses et ses sites
architecturaux… Lorsqu'en 1996 l'Unesco inscrit la ville impériale sur
ses annales du patrimoine mondial
Que n'est-on dans le vrai à l'époque, lorsqu'on en entendait historiens
et chroniqueurs étrangers décrire la capitale de Moulay Ismaïl comme une
perle, la «Versailles» du Maroc, la cité du cheval ! Le destin a voulu
que le Roi du Maroc et le Roi de France , Louis XIV ( appelé Roi Soleil)
aient connu et vécu en même temps cette tranche dorée d'un siècle de
grandeur, qu'ils aient même échangé des ambassadeurs et des présents,
introduit enfin un canal de communication que le temps se chargera de
pérenniser.
Le Grand Roi avait en son époque déjà si bien organisé l'Etat, l'armée,
assuré la sécurité des citoyens que la ville de Meknès en était devenue
le reflet fidèle : vaste mouvement inscrit dans la modernité la plus
surprenante et qui ne le cédait en rien à d'autres civilisations en
termes d'organisation de la vie des citoyens . Est-ce à dire que Moulay
Ismaïl anticipait sur ce que sera, deux siècles plus tard, l'ère du
Meiji au Japon, du nom de l'empereur qui a émancipé le pays au XIXème
siècle.
L'organisation, disons le ministère de la ville chez Moulay Ismaïl
faisait d'elle une cité en avance de plusieurs longueurs : ici le
système de récupération et de distribution de l'eau – en provenance des
sources Aït Bourazouine , à quelques kilomètres vers le Moyen Atlas –
obéissait à un critère de rationalité et d'abondance maîtrisée à la fois
. L'eau, cette denrée périssable, était conduite , est encore conduite
de nos jours sous le mode, avec les mêmes parcours jusqu'à Sarij Souani
où elle est déversée, stockée, conservée dans un grand bassin ( Bassin
de l'Agdal), long de 347 kilomètres, large de 150 mètres et profond de 5
mètres. Un système gravitaire de canalisation à double détente, tantôt
doté de voûtes souterraines, tantôt de tours en superficie, est pourvu
de repères fixes , Borj L'Ma ; Borj Annouar, par exemple. Veine
jugulaire aussi capable de cueillir l'eau en abondance provenant des
pluies, de les canaliser sans déperdition aucune, les activant dans un
mouvement de dix norias, ces machines hydrauliques formées de godets
fixes – que les historiens ont appelé «les maisons de norias» -
traversant les souterrains des grands et célèbres «greniers de Moulay
Ismaïl», leur procurant une fraîcheur à toute épreuve, quel que soit le
temps, soit une température inaltérée de 14 degrés celsus.
Quel était l'objectif de ce système original et imparable: préserver les
greniers et ce qu'ils en abritaient. Ne pas manquer d'eau ni être à la
merci de pénuries et exposer la population. Cette politique de prévision
est le pendant d'une organisation politique, sociale et militaire qui ne
laisse rien au hasard. Elle est l'un des traits dominants du règne de
Moulay Ismaïl.
Y a-t-il exemple plus frappant de rigueur comme l'organisation des
écuries de Moulay Ismaïl que Rome dans sa splendeur et ses empereurs
dans leur grandeur pourraient envier ? Des portiques à n'en plus finir,
à l'image d'un labyrinthe aussi accessible que la géométrie le permet,
et le regard du Roi saisit d'un seul tenant, immobiles et visibles, dans
un mouvement demi circulaire, de droite à gauche ou inversement, les
13.000 chevaux en pause, entretenus, gardés et constituant la force
militaire des campagnes militaires d'un Roi qui avait fait le voyage
aussi loin que sa raison l'y conduisit, dans le Touat, à Chenguiti,
Tindouf, au Soudan, Tombouctou, etc…
Il conçut l'édification de Bab al-Mansour que son fils Moulay Abdallah
acheva en 1732, lança d'autres réalisations, fit de Meknès une sorte de
Cité antique et moderne à la fois, au sens hellénique . Sur cette belle
ville ondoyante, bordée d'espaces verts comme aucune autre, fleurie et
potentiellement riche, nous jetons le regard nostalgique sans perdre de
vue l'exigence de modernisation à laquelle le nouveau wali, Hassan
Aourid, s'attelle désormais nuit et jour. L'estampille figée sur le
document de l'Unesco esquisse une forme de portrait de cette «Cité
interdite», aujourd'hui lâchée dans le mouvement de l'histoire : «Ville
représentant de façon remarquablement complète et satisfaisante la
structure urbaine et architecturale d'une capitale du Maghreb du XVIIème
siècle, alliant de façon harmonieuse des éléments de conception et de
planification islamique et européenne».
Il n'est pas meilleur hommage que cette illustration de l'universalisme
d'une ville qui connaît sa renaissance sous l'impulsion personnelle de
S.M. Mohammed VI et dont le Salon international de l'agriculture
constitue à l'évidence la première marche d'une vision dynamique et
futuriste.
Par Hassan Alaoui | LE MATIN
Proposé et présenté par OMARI Ahmed |